Agence Ecofin : Pourquoi avez-vous choisi de créer votre structure à Genève, vous qui êtes parisien de longue date ?
Koly Keita :
Au-delà de son positionnement au premier plan en matière de financement
du négoce de matières premières, de private banking, de services
d'inspection et de certification, ou encore de philanthropie, Genève
présente une concentration inégalée d'acteurs économiques de référence
et d’institutions de renommée internationale. C’est aussi l’un des deux
pôles mondiaux de la diplomatie multilatérale avec la tenue chaque année
de plus de 2700 conférences. Et surtout, les fortes capacités du
secteur privé suisse et l’efficacité de son cadre règlementaire et
administratif positionnent ce pays comme le plus compétitif au monde,
devant Singapour et les Etats-Unis. C’est dans cet environnement que
j’ai souhaité lancer Geneva Development Capital qui a pour vocation
d’accompagner des projets innovants à la recherche de solutions
techniques, financières ou commerciales.
Ceci
dit, j’ai établi de solides relations à Paris. Geneva Development
Capital continuera à collaborer avec des entreprises et des institutions
françaises dans leur déploiement à l’international. Et de même,
naturellement, avec les entreprises et institutions africaines.
AE : Quel intérêt concret la place financière suisse présente-t-elle pour les économies africaines ?
KK :
L’Afrique est devenue l’une des régions la plus prometteuses au monde
avec la population la plus jeune et les ressources naturelles les plus
abondantes. Elle a besoin de capitaux pour accélérer sa croissance,
innover et réduire les inégalités sociales. De son côté, l’industrie
financière suisse, qui gère plus de 6000 milliards $ pour compte de
tiers, soit 26% de la gestion de fortune transfrontalière mondiale, est
mise à mal par la levée du secret bancaire et les piètres performances
des produits structurés. Elle est à la recherche active d’un nouveau
business model. D’où l’opportunité de créer maintenant un cadre
structurant pour faire converger les objectifs des gérants de fortune
avec les besoins de financement des économies africaines.
AE :
Beaucoup de structures en Europe se présentent comme des intermédiaires
ou des facilitateurs entre les projets africains et les investisseurs
internationaux. Quelle est votre différence, votre valeur ajoutée ?
KK :
Geneva Development Capital ne fait pas de l’intermédiation ou de la
facilitation classique car, la plupart du temps, les projets ne sont pas
assez structurés en amont pour intéresser les gérants de capitaux
privés.
Notre
spécificité est de co-construire des projets de classe internationale
en proposant une vision stratégique et des solutions créatives. Notre
proposition de valeur repose aussi sur la capacité à comprendre et à
anticiper les enjeux africains et internationaux. Cela fait plus de 15
ans que nous assurons une veille attentive sur les dynamiques de
transformation de l’Afrique. Nous avons donc intégré dans notre approche
la capacité d’adaptation au « temps long », tout en gérant avec méthode
les risques de court terme. Nous nous appuyons aussi sur l’expertise
d’une vingtaine de consultants sectoriels, ce qui permet de couvrir
l’essentiel de la chaîne de valeur des économies africaines.
AE : A votre avis, peut-on faire du business en Afrique sans compromissions ?
KK :
Bien sûr. On peut développer durablement des affaires en Afrique si on
est doté d’une vision stratégique à long terme, de valeurs en accord
avec les spécificités culturelles de chaque région et d’une bonne
proposition de valeur qui prend en compte les intérêts de toutes les
parties prenantes.
Il
faut souligner que, face à la pression populaire pour plus de justice
sociale et à l’arrivée massive de 10 millions de jeunes chaque année sur
le marché de l’emploi, les autorités publiques africaines ont
parfaitement intégré la nécessité d’offrir un climat d’affaires de
qualité pour que le secteur privé national et étranger puissent déployer
toutes ses capacités.
En
contrepartie, le secteur privé doit assumer pleinement sa
responsabilité sociale et environnementale et ne pas exercer des
pressions intolérables sur la puissance publique africaine afin de
bénéficier de passe droits ou de situations monopolistiques.
AE : Sur quelles expériences personnelles avez vous bâti votre expertise ?
KK :
Au cours des 15 dernières années, j’ai à la fois acquis une expérience
en matière de conseil stratégique et de lancement de nouvelles
activités. J’ai commencé ma carrière en 1999 chez Accenture, un des
leaders mondiaux du conseil en management et des services
technologiques. Dans ce cadre, j’ai participé à des missions de
transformation opérationnelle de plusieurs grandes entreprises ou
institutions parmi lesquelles l’assureur Axa, le pneumaticien familial
Michelin ou encore l’Agence française de développement, un établissement
public au cœur du dispositif français de coopération.
Anticipant
la forte croissance des marchés émergents, j’ai quitté Accenture en
2006 pour participer à la création et au lancement de nouvelles
activités en association avec des équipes entrepreneuriales du secteur
de l’énergie, des medias, des télécoms, de la finance et du BTP.
Pendant
cette période, j’ai aussi eu à structurer des offres de conseil en
association avec Era Conseil pour répondre aux problématiques de
gouvernements africains et de financeurs du développement, comme la
Banque africaine de développement, la Banque mondiale ou la Banque
ouest-africaine de développement (BOAD). Parmi les dossiers que j’ai eu à
suivre personnellement, figurent la privatisation d’un opérateur
télécom national, la modernisation de la gestion d’un fonds souverain et
la mise en place d’une stratégie de risk management des risques
globaux.
Je
suis aussi intervenu récemment dans un pays d’Afrique de l’Est pour
l’élaboration du plan stratégique, du plan directeur innovation et du
business plan financier d’une banque.
AE : Quel est le plus gros dossier que vous avez contribué à faire émerger ?
KK : Dans
le souci d’apporter ma contribution au défi énergétique du continent
africain, j’ai approché en 2006 Thierry Lepercq, à l’époque consultant,
pour ouvrir une réflexion pour le lancement d’un opérateur indépendant
de production d’électricité solaire. Cette initiative a débouché sur la
création de Solaire Direct où j’étais en charge de la définition de la
stratégie de développement international et de la structuration de
partenariats. Aujourd’hui Solaire Direct est le 1er opérateur français
dédié à la production d’électricité solaire, avec 250 collaborateurs
dans le monde, une présence sur 4 continents, 1,38 milliard € levés en
financement de projets et 545 MW installés à fin 2014.
AE : Comment définiriez-vous vos rapports avec l’agence Ecofin qui a également son bureau à Genève ?
KK : Mes
relations avec l’équipe d’Ecofin remontent à quelques années, lorsque
je l’ai accompagnée pour la création, puis la cession du contrôle
majoritaire, du journal Les Afriques qui était à l’époque un
journal financier. Ce partenariat s’est poursuivi par la suite avec le
lancement et le développement de l’agence d’information.
Aujourd’hui
nous partageons des bureaux à Genève, nous mutualisons certains outils
et échangeons des services, tout en préservant la sphère professionnelle
de chacun car nous ne pratiquons pas le même métier.
AE : Vous sentez-vous plutôt au service des investisseurs ou bien des porteurs de projets ?
KK : Peu
importe, car les intérêts de ces deux acteurs doivent être convergents.
Nous sommes avant tout intéressés à travailler avec des équipes qui ont
une approche entrepreneuriale et qui, comme nous, sont persuadées que
la création de valeur repose avant tout sur les capacités d’innovation,
d’adaptation et de culture du résultat.
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